La propriété et la succession sont des dispositifs complexes. Nous vous proposons de définir clairement ce sujet en abordant les notions d'usufruit, de nue-propriété ou encore d'héritage. Le point maintenant.
Succession nue-propriété : définition de la propriété
La propriété est un droit qui emporte trois prérogatives : celle d'user de la chose ; celle d'en percevoir les fruits (loyers, intérêts,…) ; et celle d'en disposer (la vendre, la donner en garantie,…).
Ces prérogatives peuvent être séparées temporairement ; on parle alors de démembrement de propriété. On distingue :
- l'usufruit : droit d'user d'un bien et d'en percevoir les fruits ;
- la nue-propriété : droit de disposer de la chose et d'obtenir la pleine propriété à l'extinction de l’usufruit.
En clair : PLEINE PROPRIÉTÉ = USUFRUIT + NUE-PROPRIÉTÉ
C'est en général dans le cadre d'une transmission que la propriété est démembrée : soit à l'occasion d'une donation avec réserve d'usufruit, soit après une succession.
Anticiper sa succession en donnant la nue-propriété
Un parent peut décider de donner à ses enfants la nue-propriété d'un bien en s'en réservant l'usufruit.
Bon à savoir : dans la donation, il est possible de stipuler que l’usufruit sera réversible sur la tête du conjoint survivant, et ne s'éteindra qu'au décès de ce dernier.
Avantages de la donation en nue-propriété
L'intérêt de ce mécanisme est multiple :
- Au moment de la donation, seule la nue-propriété est transmise, donc les droits de donation ne sont calculés que sur la valeur de la nue-propriété.
- Le parent conserve l'usage des biens donnés. Notamment, il peut continuer à habiter un bien immobilier, ou à en percevoir les loyers, etc.
- Au moment de la succession du donateur, l’usufruit s'éteint. La pleine propriété se reconstitue sur la tête des enfants, qui deviennent pleins propriétaires, sans formalité et sans paiement de droits de succession.
Une partie de la valeur du bien est donc transmise en franchise de droits.
Limite fiscale : la présomption de l'article 751 du CGI
Donner en nue-propriété emporte donc de gros avantages fiscaux. Pour éviter que la donation en nue-propriété n'ait qu'un but fiscal, et que le donateur ne se dépouille de son vivant dans le seul but d'éluder les droits de succession, l'article 751 du Code général des impôts pose une présomption de fictivité de certains démembrements.
L’usufruitier sera considéré - fiscalement - plein propriétaire, s'il meurt moins de 3 mois après la donation de la nue-propriété à l'un de ses présomptifs héritiers. Par conséquent, les droits de donation seront restitués mais les droits de successions seront dus sur la totalité de la valeur du bien.
Cette présomption de fictivité ne s’applique pas :
- lorsque la donation régulière, a plus de trois mois au moment du décès ;
- lorsque la donation a été faite dans un contrat de mariage ;
- lorsque le démembrement résulte lui-même d'une succession dans laquelle le défunt aurait hérité de l'usufruit et les enfants de la nue-propriété ;
- si le contribuable parvient à apporter la preuve de la sincérité du démembrement.
Après une succession, hériter de la nue-propriété
Mais si une succession peut mettre fin à un démembrement de propriété, elle peut aussi en créer, par l'effet des droits successoraux du conjoint survivant.
En présence d'enfants communs, le conjoint survivant peut opter pour un quart de la succession en pleine propriété ou pour la totalité en usufruit. Une donation entre époux ou un testament peuvent également lui donner des droits en usufruit.
Par conséquent, les autres héritiers ont alors des droits en nue-propriété.
Concrètement, cela signifie qu'ils n'ont pas l'usage du bien, ne peuvent en percevoir les loyers, mais doivent prendre en charge les grosses réparations, et ont besoin de l'accord de l'usufruitier pour vendre le bien.
Bon à savoir : il est possible, pour régler les éventuels litiges entre usufruitier et nu-propriétaire, de conclure une convention d'usufruit.
Ce n'est qu'au décès du conjoint survivant que la pleine propriété se reconstituera, gratuitement, sur leur tête.
Succession nue-propriété : valeur
Le barème fiscal de l'article 669 du Code général des impôts doit obligatoirement être utilisé lors des transmissions à titre gratuit. Il consiste à donner une valeur à l'usufruit en appliquant une décote sur la valeur en pleine propriété du bien.
Cette décote varie selon l'âge de l'usufruitier :
Age de l'usufruitier |
Valeur de l'usufruit |
Moins de 21 ans révolus |
90 % |
Moins de 31 ans révolus |
80 % |
Moins de 41 ans révolus |
70 % |
Moins de 51 ans révolus |
60 % |
Moins de 61 ans révolus |
50 % |
Moins de 71 ans révolus |
40 % |
Moins de 81 ans révolus |
30 % |
Moins de 91 ans révolus |
20 % |
Au-delà |
10 % |
Exemple : un terrain vaut 200 000 €. Le propriétaire, alors âgé de 65 ans, en a donné la nue-propriété à ses enfants. La valeur de son usufruit s'élève à 200 000 € X 40 % = 80 000 €. On en déduit par différence la valeur de la nue-propriété : 200 000 € - 80 000 € = 120 000 €.
Pour aller plus loin :
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