Usufruit et nue-propriété

Sommaire

maison en multipropriete

Le droit de propriété peut-être démembré et partagé entre plusieurs personnes, l'une possédant l'usufruit, l'autre la nue-propriété.

Ces termes, quelque peu obscurs, peuvent vite effrayer les yeux non avertis. Ne partez pas tout de suite, on vous explique tout dans cet article.

Qu'est-ce que l'usufruit et la nue-propriété ?

Origine historique des termes

Selon l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Le droit de propriété est classiquement divisé en trois éléments désignés en latin, l'usus, l'abusus et le fructus :

  • L'abusus correspond à la possession du bien en qualité de propriétaire. Il s'agit de la nue-propriété.
  • L'usus est le droit de disposer du bien sans en percevoir les fruits.
  • Le fructus permet de percevoir les fruits et les loyers du bien.

La conjonction de l'usus et du fructus correspond à l'usufruit d'un bien. L'abusus, ou nue-propriété, désigne le fait d'être propriétaire d'un bien sans avoir l'usus ni le fructus.

Usufruit et nue-propriété, définitions légales

Le Code civil ne prévoit pas d'article spécifique traitant de la nue-propriété. Elle se définit donc par opposition au régime de l'usufruit. Celui-ci fait l'objet de nombreux articles du Code civil (articles 578 à 624).

Selon l'article 578 du Code civil, l'usufruit est le droit de jouir des choses comme le propriétaire lui-même, « mais à la charge d'en conserver la substance ».

Exemple : jouir c'est utiliser un bien immobilier en l'occupant habituellement ou temporairement. Il peut peut également s'agir d''en retirer les fruits en le louant.

L'usufruit est établi :

  • par la loi ou la volonté de l'homme ;
  • pour une certaine période ;
  • et/ou sous conditions.

Il peut concerner des biens meubles ou immeubles (article 581 du Code civil).

Séparation usufruit et nue-propriété : quand, pourquoi, comment ?

Démembrement de propriété, avant ou après la mort du propriétaire

Le démembrement de propriété intervient soit du vivant du propriétaire, soit après son décès.

Dans les cas les plus classiques :

  • De son vivant, le propriétaire organise sa succession en concédant la nue-propriété du bien à ses enfants ou petits-enfants.
  • Il continue lui-même à l'occuper en qualité d'usufruitier.
  • À son décès, l'usufruit cesse et le nu-propriétaire récupère par succession l'usufruit du défunt. Il devient alors propriétaire du bien en « pleine propriété ».

Il s'agit là du cas d'une donation, mais l'usufruit peut être également concédé par testament ou vente.

Conventionnellement, le démembrement de propriété peut intervenir n'importe quand.

Bon à savoir : en cas de décès d'un propriétaire marié ayant eu des enfants, le démembrement de propriété s'opère légalement entre ses héritiers et le conjoint survivant, qui conserve l'usufruit du bien.

Démembrement de propriété, pour une meilleure fiscalité

La donation de la nue-propriété intervient principalement pour des raisons d'optimisation fiscale.

Cette donation, en effet, est imposée :

  • selon les droits d'enregistrement exigés au titre d'une donation ;
  • sur la partie concernée du bien donné ;
  • en fonction de l'âge du donataire.

Au décès de l'usufruitier, le nu-propriétaire devient propriétaire intégral sans avoir à payer de droits de succession.

Bon à savoir : c'est le barème fiscal de l'article 669 du Code général des impôts qui répartit les proportions de l'usufruit et de la nue-propriété. Le calcul se fait en fonction de l'âge de l'usufruitier.

Exemple : si l'usufruitier a entre 61 et 70 ans, la valeur de l'usufruit est de 40 % et la valeur de la nue-propriété est de 60 %. Soit un bien de 300 000 €, l'usufruit vaut 120 000 € et la nue-propriété, 180 000 €.

De plus, en matière de vente de nue-propriété, le prix d'acquisition est attractif, avec une décote d'environ 40 % par rapport à la valeur intégrale du bien.

Le démembrement de propriété est également une technique d'organisation et de transmission successorale.

Démembrement de propriété, un acte notarial

S'agissant d'une opération touchant à un titre de propriété immobilière, l'acte de démembrement intervenant par donation ou vente doit être impérativement établi par un notaire. Il s'agit donc d'un acte authentique.

En matière de meubles, l'intervention d'un notaire est fortement conseillée si les opérations portent:

  • sur des parts de sociétés démembrées (SCI ou autre) ;
  • ou sur des objets de valeur.

Usufruit et nue-propriété : quels droits, quels devoirs ?

Droits et obligations de l'usufruitier

Selon l'article 595 du Code civil, l'usufruitier peut :

  • jouir du bien par lui-même ;
  • donner son bail à un autre ;
  • ou même vendre ou céder son droit à titre gratuit.

Il administre généralement le bien au jour le jour.

En revanche, l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, conclure un bail :

  • pour une durée supérieure à 9 ans ;
  • pour un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal.

À défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier devra saisir la justice pour passer seul cet acte.

L'usufruitier ne peut, à la cessation de l'usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il prétend avoir faites, même si celles-ci ont augmenté la valeur de la chose.

S'agissant de ses obligations, l'usufruitier est tenu aux seules réparations d'entretien du bien et au paiement des charges liées à son occupation (article 605 du Code civil).

Bon  à savoir : dans le cadre d'un bail commercial, lorsque la propriété du bien donné en location est démembrée, l’usufruitier peut mettre fin au bail et notifier au preneur, sans le concours du nu-propriétaire, un congé avec refus de renouvellement. L’usufruitier a donc seul la qualité de bailleur et doit assumer le versement ou non de l’indemnité d’éviction qui est à sa seule charge (Cass. 3e civ., 19 décembre 2019, n° 18-26.162).

Droits et obligations du nu-propriétaire

Le propriétaire ne peut, par son fait, ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier (article 599 du Code civil).

Il est tenu au paiement des grosses réparations afférentes au bien, s'agissant exclusivement de celles :

  • des gros murs et des voûtes ;
  • du rétablissement des poutres et des couvertures entières ;
  • des digues et des murs de soutènement ;
  • des clôtures.

Bon à savoir : en matière de copropriété, l'usufruitier ou le nu-propriétaire peuvent indifféremment participer à l'assemblée générale, pourvu que l'un donne mandat de représentation à l'autre. Ils peuvent également désigner un représentant commun.

S'agissant du paiement des charges de copropriété, leur paiement intervient selon la répartition classique :

  • les charges d'entretien sont payées par l'usufruitier ;
  • les grosses réparations sont à la charge du nu-propriétaire.

Usufruit et nue-propriété : un démembrement de propriété peut-il prendre fin ?

L'usufruit s'éteint de plusieurs façons (article 617 du Code civil) :

  • mort de l'usufruitier ;
  • expiration du temps pour lequel il a été accordé ;
  • consolidation ou réunion, sur la même tête, des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire ;
  • non-usage du droit pendant trente ans ;
  • perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi.

Il peut aussi prendre fin en cas d'abus du droit consenti par l'usufruitier, sur décision du juge, saisi :

  • soit par le nu-propriétaire ;
  • soit par les créanciers du démembrement, à cause de dégradations sur le bien de l'abandon de celui-ci.

Bon à savoir : bien entendu, la vente du bien met fin au démembrement de propriété. Encore faut-il que le nu-propriétaire et l'usufruitier s'accordent pour décider de vendre.

Pour approfondir le sujet :

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